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Premiers effets du Covid-19 sur la vie des sénégalais

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En ce début de mai 2020, le Sénégal poursuit sa mobilisation contre l’épidémie de Coronavirus Covid-19, à l’image de beaucoup de pays africains.

Le premier cas officiel de Covid-19 a été diagnostiqué le 2 mars 2020 même si, il n’est pas exclu que des recherches épidémiologiques ultérieures révèlent dans les mois à venir, une arrivée antérieure du virus sur le territoire national, comme cela a été le cas dans d’autres pays.

Des mesures de riposte graduelles ont été prises par les autorités étatiques depuis cette date, allant de la fermeture de l’aéroport AIBD le 20 mars 2020 à l’instauration d’un couvre feu entre 20h et 6h le 23 mars, sans oublier la mesure d’interdiction des déplacements entre régions.

Près de deux mois après l’arrivée du Covid-19, nous nous sommes intéressés aux premières répercussions socioéconomiques conjuguées des mesures prises sur le plan interne mais également aux conséquences de l’arrivée du Covid-19 dans les principaux pays d’immigration des sénégalais tels que l’Italie, la France, l’Espagne et les USA.

L’étude porte sur les 5 thématiques ci-après :

  • chômage et revenus ;
  • sécurité alimentaire ;
  • santé ;
  • média ;
  • distribution de l’aide.

Méthodologie

L’étude se base sur un panel national réparti sur les 14 régions du Sénégal et suivi depuis plus de 2 ans par People and Data (P&D), soit bien avant la découverte du premier cas de Covid-19 à Wuhan. Cette antériorité nous permet de pouvoir mesurer dès à présent les effets immédiats de l’arrivée du Covid-19 depuis le 2 mars.

L’observation a été effectuée sur la période du 02 mars au 26 avril 2020. Le panel est constitué de 1200 personnes de tous âges, sexe, lieu d’habitation urbain/rural, catégories socioprofessionnelles et niveau d’éducation. Il a été constitué sur la base d’un tirage aléatoire à deux degrés avec une stratification par région et lieu d’habitation urbain/rural. Cette stratégie a permis la constitution d’un panel représentatif de la population nationale dans sa globalité et sa diversité.

Chômage et revenus

Nous nous sommes intéressés d’abord à la variation des revenus perçus et ensuite au maintien/perte de l’activité professionnelle depuis la date du 2 mars.

Baisse des revenus

Depuis l’arrivée du Covid-19, 81% des actifs qui étaient en activité au 2 mars ont connu une baisse de leurs revenus par rapport à la période d’avant Coronavirus. Cette baisse est de la même ampleur lorsqu’on la mesure par rapport à la même période en 2019.

Lorsqu’on regarde les résultats détaillés, on constate que les femmes sont en proportion plus affectées par la baisse que les hommes: 83% des femmes actives sont dans cette situation contre 79% pour les hommes.

On constate également que l’ampleur de la baisse de revenus augmente graduellement avec l’âge: les plus de 55 ans sont les plus fortement touchés par la perte de revenus, 86% contre par exemple 79% chez les 18-25 ans.

La baisse atteint 85% des actifs dont l’instruction s’est arrêtée au niveau primaire, 89% de ceux qui ont suivi l’enseignement en arabe et idem pour ceux qui n’ont reçu aucune instruction contre 68% pour ceux qui ont effectué des études supérieures.

Les actifs du secteur informel sont affectés à 84% par la baisse contre 53% pour les cadres travaillant dans le secteur formel et 71% pour le Non cadres du secteur formel. Sachant la quasi inexistence de filets sociaux dans l’informel, on devine aisément la précarité supplémentaire causée l’arrivée du virus chez cette catégorie d’actifs.

L’analyse des résultats par régions révèle que la baisse est plus accentuée dans les régions de Diourbel (86%), Kaolack (86%), Ziguinchor (95%), Kolda (92%) et Kaffrine (86%). La baisse est relativement moins forte à Dakar (78%) et Fatick (75%).

Chômage

Sur 100 travailleurs qui étaient en activité au 2 mars, 37 subissent un arrêt d’activité total au 26 avril, 28 travaillent à temps partiel et 35 continuent à travailler « normalement » dont 2 en télétravail.

Remarquons que le télétravail concerne seulement 2% des actifs. Cela s’explique aisément par l’inadaptabilité de la plupart des métiers pratiqués avec le travail à distance: ouvriers, commerçants, métiers du transport, pêcheurs etc.

L’analyse comparative selon les catégories sociodémographiques de la perte totale d’activité montre les résultats suivants:

  • 44% des femmes sont affectées par l’arrêt total d’activité vs à 33% chez les hommes ;
  • 64% des personnes âgées de plus de 55 ans vs 33% chez les 18-25ans ;
  • 42% chez les adultes ayant arrêté l’école au primaire, 40% chez ceux qui ont fait l’enseignement en arabe et 50% ceux qui n’ont reçu aucune instruction vs 28% chez les actifs ayant effectué des études supérieures.

Les régions dans lesquelles les pourcentages d’actifs en arrêt total d’activité sont les plus élevés sont Kaffrine (60%), Ziguinchor (52%), Diourbel (51%), Thiès (45%) & Saint-Louis (42%). Les régions les moins touchées par ce phénomène sont Dakar (31%), Louga (22%) et Tambacounda (25%).

Sécurité alimentaire

Le Covid-19 a réussi à impacter très durement et très rapidement l’alimentation des sénégalais. Depuis son entrée sur le territoire, ce sont près de 23% des ménages qui ont perdu au moins un repas quotidien, passant de 3 à deux repas ou parfois de 2 repas à un seul par jour.

L’incidence du virus est encore plus marquée sur la qualité des repas: 45% des ménages ont une alimentation moins riche et variée qu’avant l’arrivée du virus. Cette baisse de qualité est directement liée à une baisse des consommations en viandes, poissons, légumes, fruits et produits laitiers.

Si cette situation devait perdurer, elle pourrait avoir de lourdes conséquences sanitaires sur les enfants moins de 5 ans ainsi que les femmes enceintes à court et moyen terme.

Le pourcentage de ménages ayant perdu au moins un repas quotidien est plus marqué dans les régions de Kédougou (55%), Sédhiou (38%), Fatick (32%), Matam (30%) et Tambacounda (27%). Il est de 19% à Dakar et 18% à Louga, régions qui enregistrent les taux les plus faibles.

Santé

Renonciation à des soins de santé

L’étude montre le Coronavirus a déjà des effets collatéraux sur la santé de la communauté, notamment sur les soins pour d’autres pathologies. En effet, la peur de contracter le virus mais également la décision prudente de certains professionnels de santé tels que dentistes, ophtalmologues ou gynécologues d’arrêter de recevoir des patients pendant une partie du mois de mars et jusqu’au début d’avril, a pour conséquence que 14% de sénégalais ont renoncé ou n’ont pas pu recevoir des soins de santé, pour des affections autres que le Covid-19 sur la période du 02 mars au 26 avril.

L’analyse croisée montre que:

  • les femmes (18%) sont plus concernées par cette renonciation volontaire ou involontaire à des soins que les hommes (12%) ;
  • les cadres du secteur formel (33%) et les étudiants (23%) sont plus concernés que les employés du secteur informel (8%) ;
  • les personnes ayant fréquenté l’université (20%) sont plus affectés que les celles ayant arrêté leur scolarité au primaire (14%).

Les plus forts taux de renonciation sont relevés à Louga (22%), Saint-Louis (20%) et Fatick (20%). Les taux sont plus faibles à Matam (8%), Diourbel (9%) et Thiès (12%).

Port du Masque

Le port du masque est rentré dans la vie quotidienne de 83% des sénégalais qui le portent au quotidien dans les espaces publics. En revanche, il y a encore 17% de sénégalais portent le masque très rarement voire jamais.

La comparaison des résultats pour les 17% de la population qui portent rarement voire jamais de masque montre que le taux de non port du masque:

  • est 26% chez les plus de 55 ans vs 13% chez les 18-25 ans ;
  • est de 30% chez les personnes n’ayant reçu aucune instruction vs 14% chez ceux qui ont effectué des études supérieures ;
  • est de 30% chez les retraités, 27% chez les chômeurs, 19% chez les étudiants vs 7% chez les cadres, 8% chez les non cadres et 11% chez les chefs d’entreprises.

Les régions dans lesquelles le taux de non port du masque est le plus élevé sont : Kédougou (36%), Kaffrine (36%), Fatick (36%), Louga (30%), Matam (30%). Les plus faibles taux sont relevés à Dakar (8%), Thiès (12%) et Sédhiou (15%).

Média

Point de Presse

Les points de presse quotidiens animés par le Ministère de la Santé et de l’Action Sociale (MSAS) sont suivis quotidiennement par plus de 80% des sénégalais à la TV, à la Radio et sur internet et les réseaux sociaux.

Les hommes (84%) sont plus assidus dans l’audience de ces points de presse que les femmes (79%); les jeunes de 18 à 25 ans (88%) plus assidus que les plus de 56 ans (80%); les cadres du secteur formel (93%), les entrepreneurs (89%) et les chefs d’entreprise (89%) plus assidus que les les chômeurs (70%) et les retraités (70%).

Sur le plan régional, les régions dans lesquelles le point de presse est le moins suivi sont Matam (65%), Kaffrine (68%), Sédhiou (62%) et Kédougou (55%). L’audience est plus élevée à Dakar (89%) et Thiès (87%).

TV, radio, Internet et Réseaux sociaux

Les mesures de semi confinement prises par les autorités font que les populations passent plus de temps dans leurs foyers avec comme corollaire un temps passé devant la TV en nette augmentation pour 70% des sénégalais. Le score est similaire pour la radio.

Le temps passé sur internet et les réseaux sociaux a progressé chez 51% des adultes.

L’analyse par catégorie montre que:

  • en pourcentage 59% des jeunes âgés de 18-25ans consomment plus de mégaoctets qu’avant l’arrivée du virus vs 27% des plus de 56 ans ;
  • 72% des adultes ayant fréquenté le supérieur consomment plus de mégaoctets qu’avant l’arrivée du virus, 60% de ceux qui effectué des études secondaires vs 35% chez les personnes n’ayant reçu aucune instruction.

Aides Covid-19

A la date du 26 avril 2020, 13% des ménages sénégalais avaient reçu une aide liée au contexte du Covid-19. Sur ces 13%, les 10% ont été aidées par un démembrement de l’Etat et les mairies et les 3% par des ONG.

Il faut noter que ces aides n’incluent pas celles du Force Covid-19, le fonds d’aide mis en place par l’Etat du Sénégal dans la lutte contre le Covid-19 puisque les distributions de ce fonds devaient officiellement démarrer le 28 avril dans les sites pilotes de Guinaw-Rails Sud et Yenne alors que l’observation s’est arrêtée au 26 avril pour cette étude.

Les aides dont il est question ici ont été essentiellement distribuées par des mairies. Elles consistaient généralement en kits composés de savons et de gels hydro alcooliques.

Le pourcentage de ménages ayant reçu ces premières aides sont est plus élevé dans les régions de Sédhiou (26%), Kaffrine (14%), Saint-Louis (17%) et Ziguinchor (11%).

Les zones ayant reçu le moins d’aide sur cette période sont situées à Dakar (7%), Matam (8%), Diourbel (6%) et Kaolack (9%).

Conclusion

L’étude révèle des répercussions rapides et larges de l’arrivée du Covid-19 au Sénégal sur les revenus, la baisse d’activité, la renonciation à des soins de santé et l’alimentation.

Le port du masque s’est rapidement généralisé en faveur des nombreux spots de communication incitant à l’adoption des mesures barrières. Des disparités régionales existent toutefois en termes d’adoption du masque.

S’il fallait dresser un portrait–robot de la personne la plus affectée sur le plan économique et alimentaire par cette crise, il serait le suivant: une femme de plus de 55 ans qui n’a reçu aucune instruction, travaille dans le secteur informel et habite dans la région de Diourbel, Kaolack, Ziguinchor, Kolda, Kaffrine ou Saint-Louis.

 

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